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Allocution (chronique de reconfinement FB n°4)

Ça y est. Ça y est elle revient. Elle revient, l’excitation, elle revient, l’attente, la douce impatience. Car bientôt il sera là, avec moi, il me tiendra la main. Il surgira comme une divine surprise dans la suite morne de mes pauvres petits jours confinés, humiliés, outragés, martyrisés, et il m’arrachera à ma désorientation existentielle pour m’indiquer enfin la voie à suivre. Il me guidera sur le juste chemin. Il répondra avec mansuétude et douceur à toutes ces questions restées désespérément sans réponse : que puis-je faire ? Et où aller ? Comment ? Jusqu’où ? Avec qui ? Il réordonnera ma vie, désignera les possibles, me délestera de l’inassumable charge de remplir tout seul de sens le petit laps de temps qui m’est alloué, il est mon phare, il est mon GPS, il est la carte et le territoire, il est la possibilité d’une île, il est le film du dimanche soir et le ventre de ma mère, il est mon viagra, il est mon conseil de défense, il est tous les journaux de 20h du monde. Il arrive, il vient, déjà il est là, il est parmi nous, il nous regarde droit dans les yeux, il est aux côtés de chacun, il veille, il surveille, il bien-veille, il réveille, il secoue, il émerveille. Il crève l’écran. Sans geste barrière. Et tel un ultime postillon dans un monde en déflagration, nous subissons tous l’inarrêtable contagion de son Allocution.

Et pour moi, à chaque fois, c’est le même vertige : il me prend, il me retourne, fait de moi ce qu’il veut, je m’abandonne à lui, il joue avec moi comme un chat avec une pelote de laine, je suis son doudou d’amour, son joujou, son hochet, son amusette, son colifichet, il me confine, me déconfine, me reconfine, me redéconfine, me rereconconfifine, me calfeutre, me claquemure, me couvre-feuille, me personne-contacte, me clique puis me collecte, me teste PCR, me reteste et m’atteste, il me fait tourner la tête, mon manège à moi, c’est lui ! Fais-moi mal Johnny Johnny, envoie-moi au ciel, je veux la sentir au plus profond, ton allocution, qu’elle me fasse tout entier vibrer d’émotion, ô ma sœur, ô mon frère, ô mon Brother, ô mon vibreur, ô mon vibro-messie, je sais que tu m’attends, je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Oui je sais, il me fout des coups, il me prend mes sous, je suis à bout, mais malgré tout, que voulez-vous, je l'ai tellement dans la peau que j'en deviens marteau. Allez viens, viens, prends-moi, prends-moi encore une fois, que je crie avec toi « Vive la République ! Vive la France ! »

Mais avant ça, il faut que je prenne mon cachet.

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